Le fromage québecois menacé par les producteurs européens
Pour ceux qui croient que le fromage n’est pas politique, vous allez prendre une claque (TOUT est politique dans la vie!). En effet, cette partie de l’économie québécoise est assez importante au Québec et je vous fais l’histoire du fromage de façon accélérée.
Il y a très longtemps…
Au début de la colonisation de la Nouvelle-France, les nouveaux arrivants ont conservé les traditions françaises en produisant des fromages de lait cru (fromage fins) pour la consommation locale. Par contre, l’arrivée des britanniques a fait changer la production des entreprises en développement vers les cheddars et la mozzarella qui sont fortement consommés par les anglais. Les producteurs de fromages fins sont restés marginaux et subsistaient difficilement.
Années 60
Au milieu des années 60, un cas d’empoissonnement alimentaire pousse le gouvernement à changer les lois des fromages à base de lait crus. Les petits producteurs ne peuvent plus écouler leur production et doivent s’équiper énormément afin de garder leurs permis. Évidemment, ce genre de mesure sert les grands fromagers (Petits Québec, Saputo, Kraft) qui prennent le marché laissé par les petits fromagers. Ceux qui passent à travers cette tempête produisent un fromage à fort coût qu’on étiquette maintenant comme «produit de luxe».
Années 90
La classe moyenne des québécois est de plus en plus riche et les goûts français redeviennent à la mode chez les baby-boomers. La consommation augmente en flèche (la consommation a été multipliée par 1000 entre 1992 et 2012) et certains agriculteurs se lancent dans l’aventure de repartir des petites productions fromagères.
Années 2000
L’industrie du fromage est en pleine expansion et fournit des milliers d’emplois. Le Québec produit à lui seul 60% des fromages fins mangés au Canada qui sont de plus en plus disponible dans les épiceries et les boutiques spécialisées. Malheureusement en 2009, des cas de listériose (qui seront plus tard attribués à des charcuteries) encouragent les politiciens en place à augmenter la sévérité des lois relatives à la production de fromages crus. Les petits fromagers lancent des appels de secours pour éviter les modifications des lois qui les pousseraient vers la faillite. Cette fois-ci, le public se mobilise afin d’empêcher la catastrophe et finit par réussir. Les politiciens finissent par s’attribuer le beau rôle en se présentant comme les sauveurs des fromageries québécoises.
2013
Stephen Harper veut signer une entente de libre-échange avec l’Europe. Afin d’augmenter le volume de bœuf canadien exporté en Europe, le Canada acceptera un plus grand volume de fromages fins français. Le volume importé sera augmenté de 17 milliers de tonnes de fromages européens par ans. Puisque l’Union Européenne subventionne leurs fromagers pour 55 milliards d’euro (contre 0 pour le Canada), les fromagers ont peur de perdre une partie de leur marché qui pourrait être un gros coup dans leur santé économique. Ils accusent le gouvernement conservateur de vendre l’économie du terroir québécois au profit des producteurs bovin de l’Ouest Canadien.
C’était donc mon introduction de la politique appliquée au fromage québécois. Puisque vous avez tous un rôle à jouer dans cette histoire, je vous invite à découvrir (ou redécouvrir) les fromages fins du Québec. Même si ce genre de produit de luxe ne rentre pas toujours dans le budget des étudiants, ça fait toujours plaisir de se récompenser lorsque les examens sont finis. L’achat d’un fromage peut être une bonne option et le choix ne manque pas.
Voir le site des fromages d’ici.
5 Commentaires
moi j’aimerais juste voir plus de reconnaissance des maîtres qui leur ont enseigné leur savoir faire ..qu’ils ont mis parfois des siècles à peaufiner et transmis de père en fils ..ce serait la moindre des choses ..au lieu d’appeler un brie ou un camembert un » fromage d’ici » il serait judicieux de dire » type Brie » fabriqué ici ..ce qui rendrait à César ce qui est à César au lieu de faire croire aux gens que cela a été inventé ici …idem pour les fromages dont juste le nom a changé ….le fromage c’est un savoir faire, une qualité de lait et de crème qui dépend beaucoup des pâturages où les animaux paissent ..ainsi je vous encourage à goûter la différence entre un emmenthal suisse et un emmenthal d’ici …enfin il faudrait arrêter de dire que en quelques années les québécois ont tout inventé et qu’ils font mieux que les autres ..cela c’est d’une prétention vraiment insupportable quand on sait qu’il a fallu des années pour mettre au point un savoir-faire aux véritables inventeurs …pour le reste je dirais qu’il y a de bons fromages ici mais je les trouverais plus digestes avec un peu de modestie pour accompagner leur saveur !
Merci, c’est réparé
Intéressant article, merci ! (le lien vers fromages d’ici est brisé)
Évidemment, toute personne ayant un minimum de base en économie sait que lors de la libéralisation des marchés, un des principes cardinaux prôné par le néolibéralisme, les petits producteurs locaux perdent énormément de leur profits car on souhaite soutenir l’offre a l’étranger. Il va sans dire que les produits locaux vont perdre en popularité en générant moins de capital. les consommateurs vont plutôt opter pour des produits importés et moins onéreux au détriment de nos bons produits de chez nous qui sont d’ailleurs autant mirifiques.
En ce attrait à l’originalité de nos fromages locaux, vous n’avez sans doute pas parcouru les épiceries spécialisées qui foisonnent à Montréal. Si vous voulez réellement parcourir notre province avec vos papilles, je vous propose d’essayer la fromagerie Chaput en Montérégie. De surcroît, les fromages « La Tomme de Mademoiselle », « Girondine » ou encore « Le Ciel de Charlevoix » sont des produits qui ont bien vu le jour sur le territoire québécois et je doute que ces produits sont assez sélectes pour avoir recours à une appellation contrôlée. Toutefois leur recette et leur procédé sont uniques car nos fromagers malgré que l’on nous a toujours considéré comme du petit pain, possèdent toujours leur fierté. J’admet que plusieurs de nos producteurs tiennent leur savoir-faire des formations reçues par les maîtres français, mais il n’existe pas dix mille façons de faire vieillir un fromage. Les français n’ont pas révolutionner la roue et je suis prêt à mettre ma main au feu que certains tirent inspiration de produits venus d’ailleurs en Europe pour créer leurs fromages. Sur ce, sortez un peu de la métropole et rendez vous dans la région de Charlevoix, je vous guaranti que vous changerez d’avis sur le discours peu flatteur que vous tenez sur nos productions locales bien à nous.
Français ayant cherché et mangé du fromage au Québec, j’apprécie l’accord de libre-échange.
Oui, ça va être plus dur pour les acteurs locaux. Mais les prix vont peut-être baisser, au moins en ce qui concerne les importations.
Si les producteur Québécois redoutent tant l’arrivée des fromages étrangers, il faut aussi peut-être chercher auprès de l’originalité des fromages qu’ils proposent ? Bon nombre des fromages sont des « adaptations », pour ne pas dire copies, de fromages français.