J’ai eu mal oh oui j’ai eu mal, aux dents, aux pieds, au corps au nez, au doigts, aux bras et à tout plein de muscles que je ne connais pas. C’est ça l’effet C!rca!
Pour vous replacer dans le contexte, mercredi dernier, je suis partie en vadrouille à la Tohu, bras dessus bras dessous avec mon acolyte monsieur M. pour savourer un moment de cirque extrême.
Eh mes aïeux, quel moment de cirque que celui-là ! Alors oui je sais les plus médisants d’entre vous me diront : « c’est pour les mômes et leur parents le cirque! On a passé l’âge du trapèze et des tours de magie! » … Gnagnagna bande de geek! Ça c’est uniquement pour dissimuler votre manque de curiosité, d’imagination, et votre flemme intense. Oui, je sais, vous êtes des êtres rationnels, scientifiques et prédéterminés à servir la cause gigantesque du développement perpétuel! Pas de place pour les sornettes de femelles, les évasions rêveuses et turbulentes d’un imaginaire tourmenté ! Vous avez déjà vu Edward aux mains d’argent et ça suffit à votre quota de remises en causes du monde réel.
Cependant, c’est à ça que je marche moi, l’absurdité, la tourmente, les sensations, le sentiment, et l’imagination. Et Dieu me tripote j’ai été fichtrement gâtée!
Dès le départ, on est perturbé. Sur scène, la résistance du corps, aux chocs, à la gravité à l’attraction des êtres entre eux et à leur séparation est testée. Le but : avoir mal, physiquement et sentimentalement. Il faut que ca touche le spectateur et ça marche. Quand je me suis retournée sur mon siège, histoire de rassurer mon petit ego fragile que je n’étais pas la seule recroquevillée sur ma chaise, telle une tortue anéantie de frayeur devant un yéti d’Autriche, je constatais que mes compatriotes de spectacle ici présents avaient les mains devant la bouche, signe incontestable de participation et d’assimilation aux sensations transmises par cette fantasmagorie dansée. Et ceci, camarades n’était que la prémisse séduisante d’une expérience anatomique et psychologique sensible, drôle et poignante.
Ce spectacle est un poème à lui tout seul. Chaque solo est une strophe, chaque numéro de groupe un refrain. Une émotion puissante en ressort notamment grâce à la force du duo masculin/féminin et à leur confrontation perpétuelle. La puissance musculaire en contraste avec la fragilité du message est le pilier qui semble tenir la troupe sur le socle de la réussite !
Les numéros de voltige étaient particulièrement étonnants : sur le trapèze, les cordes, la suspension et la vie y sont toujours interprétés comme des entités ne tenant qu’a la force, à la résistance. La moindre faiblesse, et tout s’écroule comme si l’instinct de survie était suffisamment inébranlable pour assurer le lien entre la beauté et la souffrance du corps.
Je parle de souffrance de ressenti mais il y a de l’humour aussi et c’est ce qui rend le spectacle sexy, qui lui donne sa touche de liberté et qui détend les nerfs après quelques minutes où la mort pour l’art paraît frôler le destin de tous ces créateurs de frissons.
Ici on apprend qu’on peut faire rire avec ses doigts, ses mains et sa robustesse de buffle conquérant.
En somme on pourrait comparer la poésie de cette représentation aux vers d’un Raymond Queneau bourré de création :
“Bien placés bien choisis
Quelques mots font une poésie
Les mots il suffit qu’on les aime
Pour écrire un poème
On ne sait pas toujours ce qu’on dit
Lorsque naît la poésie
Faut ensuite rechercher le thème
Pour intituler le poème
Mais d’autres fois on pleure on rit
En écrivant la poésie
Ça a toujours kékchose d’extrème
Un poème”
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